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https://www.youtube.com/watch?v=8BgUSWk-7Wk

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(Rappel : cet article a été initialement écrit dans le courant d'octobre 2015).

À l'approche d'Halloween, j'aurais très bien pu écrire un petit billet sur L'Étrange Noël de monsieur Jack, parfaitement raccord avec cette thématique puisqu'imprégné d'une esthétique gothique devenue en quelque sorte la marque de fabrique des œuvres de Tim Burton. Je me permets d'ailleurs de préciser que ce long-métrage ci n'est pas à compter dans sa filmographie, puisque c'est Henry Selick qui l'a réalisé. Burton et son compositeur attitré Danny Elfman furent certes impliqués dans le processus de création, mais ils n'en eurent pas pour autant la paternité exclusive, bien au contraire, la contribution artistique du brave Henry, malheureusement si souvent oublié, ayant été tout sauf négligeable.

Si cet autre film de Selick est certes moins connu, Coraline n'en reste pas moins une perle toute aussi intéressante et attrayante, peut-être même davantage, mais c'est là un point qui n'engage bien sûr que moi. Par ailleurs, bien que la filiation de notre film du jour avec Halloween ne soit pas aussi évidente qu'elle pouvait l'être pour L'Étrange Noël de monsieur Jack, cette plongée dans l'étrange, apte à jouer sur nos peurs les plus indicibles, angoisses suscitées face à ce que l'on pourrait nommer « inquiétante étrangeté », est à mon sens loin d'être hors de propos.

Coraline est donc un film sorti en 2009, adaptation d'un livre de Neil Gaiman, conte qui tient moins de la féerie que des récits dans la pure tradition de Charles Perrault ou de Lewis Caroll. Ce n'est pas un hasard si l'on peut relever un certain nombre de similitudes entre ce conte et les Aventures d'Alice au Pays des Merveilles, par exemple, dans la mesure où l'histoire est centrée sur une enfant, personnage éponyme délaissé par ses parents venant d’emménager dans une vielle demeure et peu disposés à lui consacrer du temps en raison de leurs tracas. Suite à la découverte d'une porte secrète, Coraline, telle Alice tombant dans le terrier du Lapin Blanc, va pénétrer dans un monde en total opposition avec l'aspect rationnel et morne de son quotidien.

Néanmoins, les tonalités respectives à chacune de ces œuvres divergent et leur confèrent une personnalité propre. Si l'univers d' Alice au Pays des Merveilles est avant tout absurde, celui qu'entrevoit Coraline au travers de la porte paraît en premier lieu enchanté et onirique, une fuite en avant en vue d'échapper à la morosité et l'ennui de son univers, en somme. Au bout du tunnel sur lequel donne la porte, elle fait en effet irruption dans une autre maison, l'exacte réplique de celle dans laquelle elle vit avec ses parents, à ceci près que tout y est idéalisé conformément à ses souhaits, par le prisme déformant de ses désirs. De l'autre côté du miroir, Coraline fait ainsi la rencontre de ses parents tels qu'elle a toujours voulu qu'ils soient. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, dès la première scène de « rêve », il semble évident que quelque chose cloche, outre le fait que ses autres parents aient les yeux remplacés par des boutons de mercerie, ce qui, en soit, est déjà très perturbant.

La vérité éclate au grand jour quand, à l'occasion d'un anniversaire imaginaire, célébration tenue en grande pompe, durant laquelle Coraline devient l'objet de toutes les attentions, les êtres factices à l'effigie de ses parents lui font cadeau des mêmes boutons que ceux ornant leurs visages, proposant à l’héroïne de les subtiliser à ses yeux, miroirs de l'âme. À partir de cet instant, ce monde de rêve va peu à peu se muer en cauchemar et il faudra à Coraline redoubler d'ingéniosité afin d'échapper aux griffes d'une sorcière désireuse de la maintenir emprisonnée dans sa tanière. La séquence d'ouverture du film, creepy à souhait, puisqu'on y voyait ladite sorcière, avec ses doigts élancés et filandreux n'étant pas sans rappeler des aiguilles de couture, concevoir une poupée à l’identique de Coraline en vue justement de l'espionner et de l'attirer dans ce traquenard, nous donnait déjà le ton.

Le film s'amuse à jouer avec certains codes et clichés, le personnage du chat noir, annonciateur de malheur dans la culture populaire et au premier abord plus acariâtre qu'autre chose, s'avérant finalement être le plus sûr allié de Coraline. De par son caractère bien trempé, la protagoniste tranche quelque peu avec l'idée que l'on pourrait pourtant s'en faire dans ce type de conte.

Bien que cette œuvre ne contienne pratiquement pas la moindre trace de violence explicite, ni même de screamer, la peur est belle et bien présente, distillée ici avec une certaine parcimonie. C'est un sacré tour de force de la part d'Henry Selick d'être parvenu à retranscrire ce malaise dans l'autre monde, caractérisé pourtant essentiellement par des couleurs chaudes. Il y a par ailleurs de quoi se demander comment un enfant est susceptible d'appréhender ce film, qui ne manque pas de scènes proprement stressantes. Je reste donc assez sceptique quant à l’appellation « film pour enfant » parfois accolée à ce long-métrage.

Pourtant, dans le même temps, on ne peut s'empêcher, à l'instar de la protagoniste, d'être pris sous le charme de cet univers au premier abord duveteux et empreint de poésie, ce qu'a su à merveille retranscrire le compositeur français Bruno Coulais au travers de sa musique, tout simplement excellente, brassant aussi bien le merveilleux que l'horreur.

Le film en lui-même reste ouvert aux interprétations et jusqu'à un certain point, il est bien difficile pour le spectateur de se faire une idée précise sur le monde dans lequel évolue la petite fille. Notons que le passage par lequel Coraline accède à cet endroit n'est accessible que la nuit et qu'il lui suffit de se rendormir dans son autre chambre, celle empreinte de cet univers de magie, bercée par toute l'affection que semblent lui témoigner ses autres parents, pour se réveiller dans le vrai monde de la réalité véritable (ce qui procure d'abord un relatif sentiment de sécurité), du moins jusqu'à ce que ces passages, de plus en plus fréquents (attestant d'une certaine addiction), la conduisent à un stade où il lui est désormais impossible de retourner aussi facilement de là où elle vient. Ce monde enchanté dans lequel Coraline cherche d'abord à se réfugier correspond-il à une quelconque réalité tangible ou cela se passe-il dans sa tête ? À l'image du loup dans Le Petit Chaperon Rouge, qu'est donc censée représenter cette sorcière cherchant à se faire passer pour une mère idéale avant de resserrer son étreinte, telle une araignée prédatrice évoluant dans cette toile qu'est son « espace virtuel » ? Sans partir aussi loin dans les extrapolations, on peut supposer que cette dimension parallèle n'est qu'une figure symbolique du refus de grandir et de l'envie de se réfugier dans un monde imaginaire, à un âge où, au sortir de la petite enfance, Coraline souffre de n'être plus au centre des attentions comme par le passé. À ce titre, l'univers de Coraline ne serait pas sans rappeler d'une certaine manière la mascotte kawaii Maromi dans la série Paranoïa Agent du désormais regretté Satoshi Kon, symptomatique de la tentation du déni face à une réalité que l'on préfèrerait fuir.

Cette richesse d'interprétation, intrinsèque aux contes, fait tout l’intérêt d'une œuvre qui sait également se démarquer par ses qualités esthétiques indéniables, montrant encore une fois que le stop-motion n'a rien à envier aux films réalisés uniquement en images de synthèse pré-calculées et qu'Henry Selick est assurément un maitre en la matière.

https://www.youtube.com/watch?v=FFLId-U2soA

https://www.youtube.com/watch?v=FFLId-U2soA

https://www.youtube.com/watch?v=XvCdAEF2rOU

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Je pense que plusieurs enfants vont faire des cauchemars après avoir ce film

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Une réalité parallèle toute aussi chatoyante qu'inquiétante

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Tag(s) : #Petit billet, #Film, #Conte
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