La dernière œuvre de Wes Anderson, inspirée en partie de l'univers éclectique de Stefan Zweig et sortie il y a désormais plus d'un an, fait partie de ces films qui continuent d'apporter une bouffée d'air frais dans le domaine du cinéma, de par son côté décalé, son inventivité en matière visuelle et son audace stylistique, dans le prolongement de la filmographie du metteur en scène, à mi-chemin entre continuité et renouvellement.
Ce long-métrage voit son histoire prendre place dans la République imaginaire de Zubrowka en Europe de l'Est et nous narre les aventures du concierge Gustave H, homme distingué exerçant sa profession dans le Grand Budapest Hotel (décor somptueux que l'on pourrait considérer comme un personnage à part entière), et de son « lobby boy », Zero Moustafa, ce dans un contexte assimilable dans notre monde de la réalité véritable à la période de l'entre-deux-guerres. Néanmoins, le films s'attarde sur d'autres époques et sa construction narrative, basée sur l'emboitement d'un récit dans un autre et ainsi de suite, n'est pas sans rappeler un système de poupées russes.
Les deux protagonistes vont se trouver mêlés à une sombre affaire d'héritage qui va les opposer à la puissante et redoutée famille des Desgoffe und Taxis, prête à tout pour récupérer ce qu'elle estime être son bien, tandis que le fascisme gagne du terrain dans ce pays (la manière dont cette évolution est amorcée n'est pas toujours des plus subtiles, d'ailleurs).
Si ce film est très particulier et réussi sur la forme, que ce soit à travers les effets de mise en scène, de cadrage, avec un grand souci du détail, les fréquents changements que connait le format de l'image, en adéquation avec les différentes époques rencontrées, la musique, le ton quelque peu baroque et surréaliste de l'ensemble ou encore l'interprétation des acteurs, tous sublimes dans leurs rôles (mention spéciale à Ralph Fiennes), cette œuvre ne laisse pas pour autant de côté le fond. Wes Anderson explore certes ici des sujets déjà abordés dans le reste de sa filmographie, notamment la thématique de l'enfance et du père de substitution, mais l'apparente légèreté du long-métrage, capable de passer en quelques instants de la pure comédie à un rapport assez abrupt à la violence, n'occulte en rien la gravité de certains aspects, telle la montée de la xénophobie, illustrée entre autres par la situation de l'apatride Zero Moustafa.
La conclusion du film, teintée de mélancolie, vient toutefois nous rappeler qu'il persiste « de faibles lueurs de civilisation dans cet abattoir barbare autrefois appelé l'humanité ».